Janvier 2023 – Lecture rapide, reprise par endroits pour le plaisir de revivre une pulsation présente à chaque instant pour tous ceux qui y prêtent l’oreille et se mettent en creux pour l’accueillir.
« Dans ces moments-là, je ne veux rien », le début d’un voyage, j’aime ce manque de vouloir qui laisse la place toute entière au besoin d’être et de sentir, à l’instant.
Des moments imaginés, vus et vécus, des souvenirs lumineux qui reviennent à répétition, en boucles de huit couché.
La beauté de l’écriture naît de la fraîcheur des émotions auxquelles Bob s’ouvre, de son envie de se confondre avec le vivant sauvage, de son émerveillement devant des moments rares de rencontres, l’espace d’un instant.
Patience, attente, désir d’aller vers l’autre vivant en ami et non en conquérant, la qualité du silence et de l’écoute, oubliés maintenant ou devenus désuets, et beaucoup de verbes à l’infinitif comme actions, réalisations, rêves, espoirs à attendre en mode, sans le temps.
L’homme reste détaché de la beauté du vivant sauvage, il est ce qu’il est, il en est conscient, vit avec le désir de pouvoir y retourner pour le grand bien que ça pourrait lui faire, il en fait la prière.
Pour approcher la vie sauvage il faut se camoufler, cacher notre condition humaine et le mal qu’elle fait, cette vie nous le dit à chaque fois par sa méfiance ! De plus en plus rares se font les moments dont nous pouvons, non, pas ”profiter“, mais les moments que nous accueillons.
Impossible de se confondre avec le sauvage, l’homme est sur le qui vive, à l’affût d’un moment de grâce, il en a besoin. « J’ai besoin de cet émerveillement. Je ne sais pas comment on peut vivre sans. » (p.27). Serions-nous damnés ?
L’émerveillement est en face de nous, pour le vivre un pas suffirait, entrer dedans, abandonner le recul et la triste conscience de la différence et du rejet de la part du sauvage.
Comme nous ne sommes pas dans le monde sauvage, nous tentons de l’immortaliser, de le piéger dans nos photos, ça y est je l’ai eu et nous sommes contents, il ne bouge plus, il ne peut plus nous échapper. Possession ? Nostalgie ? Peut-être désir de transmission, et Bob, vous êtes parmi ceux qui le font.
L’enfant sauvage « grimperait aux arbres, même quand c’est dangereux » (p.31). Je dirais surtout quand c‘est dangereux !
« Le bonheur n’est pas toujours au rendez-vous » (p.38), peut-être parce qu’on a oublié de le sentir dans l’instant fuyant, on a oublié aussi de le construire, maintenant on l’attend au rendez-vous, et lui ne vient pas et, d’un pied de nez, a l’air de nous dire : c’est raté !
Le temps se définit en unités mesurables, repères humains, de l’humain civilisé, pour une bonne compréhension de la durée, et souvent l’instant est oublié.
Sophie partie sans le vouloir, elle ne vous a pas quitté, et essaie, tente, vous supplie de vivre, de ressentir ce que la vie a de plus cher, et ainsi faire revivre votre amour, y aurait-il un autre choix ?
« Rêveries idiotes » (p.52), je ne crois pas qu’elles soient idiotes, vous non plus Bob, elle sont devenues idiotes, nuance et déception.
« Nous sommes l’unique espèce qui détruit le monde qui rend son existence possible, incapables d’atteindre ce point d’équilibre que toutes les autres semblent avoir trouvé. En ce sens, ce splendide primate [le gorille] a plus de sagesse que moi » (p.71). Ce sont mes réflexions aussi, celles des millions d’humains, sûrement, ainsi que notre désillusion !
Bob, solo, vous êtes accompagné de votre appareil photo et viennent au rendez-vous les oiseaux du ciel, la faune de la terre, le vivant sauvage encore peureux à l’approche de l’humain, il a raison. Quelle joie de retrouver ce vivant dans vos pages et sur votre blog.
Vous n’êtes pas seul, Sophie vous accompagne, elle est avec vous, dans vos rires et vos pleurs, dans votre force de la faire vivre, de vivre maintenant pour deux, pas facile, mais la vie a le dernier mot.
Je viens de finir Cette émotion particulière et la mienne arrive tout de suite derrière, quoi de plus naturel.
Un grand merci à Pierrick des Éditions du Yéti qui m’a proposé cette lecture que j’ai accueillie et que je recommande chaleureusement.
DianaAuzou, Babelio, 20 janvier 2023