
Critique de La fée lumière (Bob Solo) par Cannetille, Babelio
Sophie était la compagne de l’auteur. Une tumeur l’a brutalement emportée quand s’achevait l’année 2019. Alors qu’il se débat dans son douloureux travail de deuil, Bob Solo raconte cette femme, la sienne, si merveilleuse, et le manque qui ne cesse de le hanter.
Jamais le mot mort n’est prononcé, dans un ultime refus de cet insupportable : Sophie n’est plus, ne sera plus jamais, à sa place n’en finissent pas de résonner l’absence, le vide, le néant. à la sidération amplifiée par la soudaineté brutale de cette disparition, ont maintenant succédé la douleur lancinante d’une amputation et l’irrésistible force de gravité de la dépression. Sophie n’est plus, mais est partout. Elle emplit les pages de ce récit fiévreux, qui en la faisant entrer dans l’existence de ses lecteurs, semble vouloir la perpétuer en la gardant dans la lumière. Plus son évocation rayonne, plus se dessine en contraste l’ombre du narrateur, aux prises avec un chagrin d’autant plus incommensurable, qu’il semble rouvrir d’anciennes blessures dans une personnalité que l’on pressent préalablement meurtrie.
Profondément sincère, le récit ne peut que bouleverser, mais aussi, peut-être, laisser poindre une sensation de malaise diffus. D’abord parce que, si l’on conçoit sans peine ce travail d’écriture comme une étape essentielle sur le long et délicat chemin du deuil, il est à ce point intime et personnel que l’on en vient presque à se demander s’il était réellement approprié de le rendre public. Mais aussi parce qu’au fil de sa lecture s’immisce une incertitude inquiète : ce vide laissé par la disparition de Sophie, serait-il absolument aussi abyssal, s’il ne replaçait le narrateur face à ce que l’on croit deviner d’un mal-être ancien et profond, celui que l’amour de sa compagne avait exorcisé de son vivant ?
Dans tous les cas, ce livre empli d’un aussi grand amour que d’une profonde affliction se lit avec émotion. Après cette lecture, vos êtres chers ne vous auront jamais semblé aussi précieux.
Cannetille, Babelio, 22 septembre 2021